Je fais partie de la Fraternité Yves Congar à Lyon depuis sa création en 2011, lorsque la Fraternité Fra Angelico a essaimé en un nouveau groupe fraternel. Durant 10 ans, après le vote du nom, j’ai participé fidèlement à toutes les réunions, rencontres, offices, retraites, partages, échanges, études de textes, situations, entraides, repas, entrées et sorties de membres, engagements, l’organisation d’un spectacle … avec l’assistance des frères Yvon Guénédal, Alain Riou, Martin Hillairet, puis Bernard Dominique Marliangeas et le départ vers le Père de deux participants : frère Martin, en 2020 et Gisèle Goyer, tout récemment. Bref, la vie d’un groupe palpitant, qui m’a aidée à traverser la tristesse d’un veuvage, les embûches d’une profession libérale lourde de responsabilités, à accompagner l’entrée dans la vie d’adulte de mes deux enfants, à devenir grand-mère…
Aussi, lorsque j’ai été autorisée à prononcer mon engagement temporaire et qu’une date a été convenue1, je pensais que ce serait une « formalité » assez neutre.
Fabrice, notre responsable, a suggéré que cela se passe dans un lieu qui m’est cher, le Monastère des Dominicaines de Taulignan en Drôme provençale2. A ma grande joie, les sœurs ont accepté, non sans bousculer leur organisation ; une grande partie de la Fraternité a fait le déplacement depuis Lyon, Saint-Etienne, Chambéry, Etoile sur Rhône, la Suisse… et plusieurs proches sont venus des lointaines régions de Castres, Bordeaux et Arcachon.
La cérémonie, suivie par un groupe de diacres diocésains et leurs épouses, en session au Monastère, très curieux de la démarche -peu connue hors de l’Ordre- a été particulièrement recueillie et chaleureuse. Frère Bernard Dominique qui m’avait entourée et préparée à merveille aux gestes et aux moments de la liturgie de l’Engagement, a donné une homélie sur les béatitudes dont tout le monde se souvient. Et quelle n’a pas été notre surprise lorsqu’à la fin des accolades en fraternité, nous avons entendu un « et nous ? » sonore et que toutes les sœurs sont sorties de leurs stalles pour prolonger joyeusement les embrassades ! Sans parler de la sonate enchanteresse de Loeillet3 que quatre jeunes sœurs ont offerte à l’assemblée en fin de célébration (orgue, flûte traversière, flûte à bec et guitare). Les oui des sœurs sont de vrais oui. Elles ont contribué de tout leur cœur et leurs talents4 à ce que ce moment soit fervent, joyeux, beau, amical, en un mot : Dominicain.
Quel accueil, dans cette famille qui était déjà mienne et m’acceptait pleinement !
Depuis, je n’arrive pas à mesurer les grâces reçues. C’est comme si la petite histoire de ma vie se réempilait autour d’un axe bien vertical, solide, chaleureux, où tout ce que je vis prend un sens parfaitement nouveau.
Tout devient édifiant dans le Christ : rencontres, textes de haute spiritualité bien sûr, récits bibliques, évangiles, homélies, temps de prière, mais aussi discussions désinvoltes, silences, chansons, films…tout est admirable, méditable, puissance de contemplation, écoute, partage tranquille.
Une paix intérieure merveilleuse s’est installée m’emplissant de force et donnant un relief totalement inattendu aux événements ordinaires qui se succédaient jusqu’alors de façon assez indifférenciée. Prête pour un nouveau départ à un âge avancé !
C’est pourquoi cette demande d’écrire un témoignage, forcément modeste, m’a donné le vertige.
Comment rendre compte qu’une porte s’est ouverte tout à coup si grand, donnant à entrevoir une immensité de réjouissances à venir, à travers une identité Dominicaine certes reconnue depuis nos premières activités au couvent du Saint Nom avec Georges, il y a de beaux longs jours, mais aujourd’hui absolument régénérée ?
Je rends hommage à la patience, la douceur de tous les membres de ma fraternité, des responsables et à la sagesse de la Règle des FLD.
Joie, joie, auprès de Saint Dominique et de vous tous !
Odile Bacconnier
1 Pour la petite histoire, le jour de mes 65 ans
2 Une grande amitié est née avec les sœurs depuis qu’elles m’avaient appelée, par l’intermédiaire d’un frère, à les aider à repenser l’Accueil et la cuisine du Monastère, juste après la mort de mon époux, Georges. Nous avons ainsi collaboré durant cinq années pour concevoir le projet puis le mettre en œuvre et donc traversé – victorieusement ! – les chahuts de toute réalisation de ce type. En outre j’y étais en réunion de chantier le jour de la mort de ma mère et nous avons chanté mes larmes à l’Office…
3 Musicien du XVIIème siècle
4 De célébrantes, musiciennes, cuisinières, hôtesses…